L’offre d’aide humanitaire française aux victimes du séisme marocain attend toujours le feu vert de Rabat là où l’Espagne a pu envoyer des sauveteurs sur place. La brouille franco-marocaine est-elle passée par là ?
Les grandes catastrophes humanitaires sont parfois l’occasion de dépasser les antagonismes entre les nations. Mais elles peuvent être aussi des rendez-vous manqués.
Le séisme qui a frappé le Maroc dans la nuit de vendredi a eu un écho très important en France, non seulement en raison d’une importante communauté franco-marocaine, mais simplement d’une proximité humaine entre la France et son ancien protectorat maghrébin.
Et pourtant, plus de 48 heures après la catastrophe, les offres d’aide lancées par le gouvernement français, et par Emmanuel Macron lui-même, n’avaient toujours pas reçu de réponse de Rabat. Le Maroc a pourtant, dans le même temps, donné son feu vert à des secours du Qatar, de Tunisie, du Royaume Uni et d’Espagne. Les sauveteurs militaires espagnols étaient déjà sur place hier.
La France a pourtant un savoir-faire et des moyens incontestables en matière de secours, et s’il y a un domaine dans lequel chaque minute compte, c’est bien la recherche de survivants. Or les équipes françaises, les chiens et le matériel, sont toujours en attente du top départ sur le sol français. Les Américains sont dans la même situation.
Les officiels français tentent de minimiser le problème, Nicolas ; ils font état du souci marocain d’éviter un engorgement de l’aide internationale, et font valoir que peu de pays ont été sollicités.
Mais dimanche, de New Delhi où il participait au G20, Emmanuel Macron disait qu’« à la seconde où cette aide sera demandée, elle sera déployée et nous nous tenons prêts ». Plus de 24 heures ont passé depuis.
Il y a un moment où l’explication commence à devenir politique. On le sait, les relations entre Rabat et Paris sont mauvaises depuis un moment. On en avait eu un exemple en mars, lorsqu’Emmanuel Macron avait déclaré que ses relations avec le roi Mohamed VI était amicales. Rabat avait aussitôt rétorqué : « Les relations ne sont ni amicales ni bonnes, pas plus entre les deux gouvernements qu’entre le Palais royal et l’Élysée ». Difficile d’être plus brutal.
Vendredi, quelques heures seulement avant le séisme, un site marocain bien en cour se voulait positif. Mais le séisme n’a pas laissé le temps à ces espoirs d’aboutir.
L’article s’appuyait sur la visite privée en France du roi Mohamed VI, et c’est en effet en à Paris que le séisme a surpris le souverain chérifien. Il faisait valoir qu’un appel ou une rencontre entre le roi et le président français pourraient lever les malentendus. Le souverain et le président se sont bien parlé, mais sans résultat apparent.
Il faut dire que l’article fixait des conditions qui semblent encore impossibles à Paris : la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara ex-espagnol, vieux contentieux international des années 70. Les États-Unis et l’Espagne ont cédé à la pression marocaine ; mais la France ne veut pas faire un geste qui serait reçu comme une déclaration de guerre à Alger.
L’autre contentieux est plus facile, la question des restrictions sur les visas pour la France : Emmanuel Macron a fait un mea culpa public, en estimant que cette politique, inspirée par le ministère de l’Intérieur, a été contre-productive. Il a laissé entendre un réaménagement.
Mais la visite du roi s’est brutalement achevée sans la percée espérée. En ne saisissant pas rapidement l’offre d’aide de la France, le Maroc a-t-il réellement des difficultés d’organisation ? Ou a-t-il choisi de démontrer son émancipation vis-à-vis de l’ancien maître colonial ? Quoi qu’il en soit, il sera toujours temps de se réconcilier plus tard.