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Au Sénégal, le ministère français des Affaires étrangères enquête sur un réseau qui serait à l’origine d’un c délivrés à des étudiants. Ce n’est pas la première fois qu’un trafic de visas est démantelé.

L’affaire a fait grand bruit au Sénégal. Alors que l’ambassade a annoncé une hausse de 250 % des demandes de visas Schengen, des irrégularités ont été constatées au sein du service des visas du consulat français de Dakar. De quoi amener l’Inspection générale du Quai d’Orsay à diligenter une enquête.

La fraude aux visas, qui passe par les falsifications de documents, par des intermédiaires qui « vendent » des créneaux de rendez-vous mais également par le trafic lié à des réseaux consulaires ou aux prestataires, est loin d’être nouvelle.

Dans un rapport d’information de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, les ex-députés M’jid El Guerrab et Sira Sylla classent d’ailleurs le trafic de visas dans la catégorie des simples « contraintes » liées à la délivrance des fameux sésames. Mais ils omettent — consciemment ? — d’évoquer les trafics dus à des réseaux consulaires et se concentrent sur les « fraudes documentaires ».

20 % à 30 % de dossiers frauduleux au Sénégal et en Côte d’Ivoire

En Afrique subsaharienne, deux pays sont à la pointe de la fraude. « Dans des pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, la fraude est massive : elle représente 20 à 30 % des dossiers de demande de visa », assurent les élus qui estiment que « la difficulté liée à la prise de rendez-vous est accentuée par la multiplication des officines qui préemptent tous les créneaux dès leur ouverture sur internet et les ‘revendent’ aux demandeurs ».

Mais on parle là de faux documents. Pourquoi une telle omerta lorsqu’il s’agit de dénoncer des réseaux au sein des consulats ? Il y a quinze ans, sept agents du consulat de France à Moscou avaient été sanctionnés après la découverte d’« anomalies dans le traitement des visas ». En réalité, le consulat de France avait accrédité des agences qui vendaient, pour des prix variant entre 1 000 et 1 200 euros, des visas en fabriquant de fausses attestations. L’ambassade français avait, à l’époque, refusé de rendre publique la liste et préféré étouffer l’affaire.

La dématérialisation, une solution ?

L’affaire de Dakar pourrait bien se solder de la même façon. l’Inspection générale du ministère des Affaires étrangères compte en effet agir de façon discrète. Selon des sources proches du consulat français au Sénégal, le trafic concerne des délivrances de visas à des étudiants, contre rémunérations.

Un trafic qui bénéficie de deux facteurs : la difficulté, d’un côté, d’obtenir un visa Schengen ; les délais, parfois très longs, des démarches, de l’autre côté. « Ces délais de prise de rendez-vous sont en pratique imposés aux prestataires par les consulats en fonction de la capacité de ces derniers à instruire les demandes dans un délai de quelques jours. La phase d’instruction des visas au consulat constitue donc le goulot d’étranglement de la demande de visa », indique un rapport du Sénat français de 2015.

Que faire pour éviter ce juteux trafic ? Pour les ex-députés M’jid El Guerrab et Sira Sylla, « la dématérialisation permettra de mettre fin au cauchemar du circuit des passeports – entassés dans des bassines à linge pesant parfois près de 15 kilos, souvent transportés manuellement – et de l’archivage ‘physique’ des dossiers ». De quoi, assurent-ils, réduire les « re-saisies » des dossiers par les prestataires et les agents consulaires et, indubitablement, limiter les risques de trafic.