Dans son dernier rapport, publié ce mercredi, sur la situation économique du Sénégal, la banque mondiale a laissé au pays de la Téranga un message clair et limpide : «Le rebond de l’économie a été fragilisé, certes par le conflit Russo-Ukrainien, mais il convient de préciser qu’afin d’assurer une croissance, certaines conditions sont requises». Parmi celles-ci, la Banque mondiale, par la voix de Alexandre Henry, économiste, suggère l’amélioration de la productivité qui passe par l’adoption de nouvelles technologies. Néanmoins, selon l’économiste, « le déficit budgétaire restera détérioré, pour une 3ème année consécutive, au-delà de 6% qui pèsera sur la dette publique et rendra le Sénégal plus vulnérable au risque budgétaire ».
Le rapport de 2021 sur la situation économique du Sénégal, rendu public, ce mercredi, par la banque mondiale renseigne que le taux de croissance est estimé à 4,8% en 2022. À cause des tensions géopolitiques mondiales, les pressions inflationnistes devraient s’accentuer significativement en 2022 atteignant 8,7%. Les prix de l’énergie et des denrées agricoles, qui connaissaient une augmentation préalable au conflit, ont connu une forte accélération au cours de la première moitié de l’année.
À moyen terme, poursuit le document, la croissance devrait être fortement stimulée par le début de la production d’hydrocarbures pour atteindre, en moyenne, 9,2% sur la période 2023-2024. Cependant, la croissance du PIB a significativement accéléré en 2021. Elle est estimée à 6,1% (3,3% pour le PIB par habitant), tirée par la reprise de la consommation privée et de l’investissement. En conséquence de la hausse de la demande, l’inflation a atteint 2,2% en 2021, alors que les prix moyens de la composante alimentaire ont légèrement reculé. Cette baisse s’explique, d’après les économistes, par la bonne production agricole 2020-2021 qui a permis d’alimenter les marchés locaux et de limiter la hausse des prix au premier semestre de 2021. Toutefois, ajoutent-ils, à partir de juillet 2021, les pressions inflationnistes se sont intensifiées, notamment dans le domaine des produits alimentaires et de l’énergie.
Le même document de la BM renseigne qu’à la suite du choc de la Covid-19 sur la croissance, on estime l’incidence de la pauvreté à 34% en 2020-2021 réduisant les progrès réalisés depuis 2011, notamment dans les zones urbaines où se concentrent les activités de service. Cependant, l’écart de pauvreté s’est davantage détérioré dans les zones rurales, ce qui suggère que parmi les personnes touchées, ce sont les pauvres des zones rurales qui ont le plus souffert. Le déficit budgétaire est resté élevé pour une 2ème année consécutive en 2021.
Pire, selon le rapport de la Banque mondiale, les plans de réponse à la crise de la Covid-19 ont aggravé les déséquilibres budgétaires préexistants. Après un déficit à 6,4% du PIB pendant la première année de l’épidémie, il est resté quasiment inchangé en 2021, à 6,3% du PIB. Les principaux facteurs ont été les plans de riposte liés à la pandémie de Covid-19 comprenant des subventions, combinés aux restrictions nationales et mondiales qui ont impacté l’activité économique et les recettes de l’État.
La dette publique s’élève à 73 % du PIB
L’endettement public s’est significativement accru depuis 2019, selon la Banque mondiale. En effet, les dépenses combinées aux plans de riposte dans un contexte de faible pression fiscale ont pesé sur la dette, qui s’élève à 73,2% du PIB en 2021, augmentant de près de 10 points de pourcentage du PIB depuis 2019. En 2021, le déficit du compte courant s’est creusé, passant à 13,3% du PIB contre 10,9% du PIB en 2020. Cette détérioration s’explique par une hausse du déficit commercial. Malgré une augmentation des exportations soutenue par l’or, l’acide phosphorique et les activités de ré-exportations, notamment, de produits pétroliers, les importations ont augmenté plus rapidement.
Le stock de la dette publique projeté à 75.1%
En 2022, les pressions extérieures persisteront en raison de la hausse des prix mondiaux due à la guerre en Ukraine ainsi que des importations en capital liées au secteur des hydrocarbures, a alerté le rapport de la banque mondiale sur la situation économique du Sénégal. Aussi, le document souligne-t-il que le déficit de la balance courante (dons compris) devrait légèrement se détériorer et s’établir à 13,6% du PIB en 2022. La hausse significative du prix des importations des produits pétroliers et la poursuite des investissements dans le secteur en construction des hydrocarbures. Toutefois, dès lors que la production d’hydrocarbures sera mise en service, les pressions sur la balance courante s’atténueront avec la hausse des exportations et la baisse des importations liées au secteur extractif, rassurent les experts. Néanmoins, ils indiquent que la pour l’institution de Bretton Woods, la poursuite d’une politique de soutien aux ménages face à la crise maintiendra les pressions sur le budget en 2022. L’étude montre que les pressions budgétaires continueront à être élevées en 2022 avec un déficit estimé à 6,2% du PIB. Même si dans un contexte exacerbé par le conflit en Ukraine, les économistes sont d’avis que la politique budgétaire devrait permettre de soutenir les ménages face à l’augmentation des prix générant un déficit très proche du niveau de 2021 qui était de 6,3% du PIB. Les recettes fiscales qui étaient en deçà de leur niveau de 2019 ces deux dernières années devraient retrouver leur tendance à la hausse à partir de 2022. Le stock de dette publique devrait atteindre 75.1% du PIB en 2022 avant de diminuer progressivement.
« Dès lors que la production d’hydrocarbures sera mise en service, les pressions sur la balance courante s’atténueront »
Pour ce qui est du risque de surendettement, le rapport de la Banque mondiale souligne qu’il reste modéré au Sénégal avec une capacité limitée à faire face à un choc sur le court terme selon une analyse de la viabilité de la dette conjointe de la Banque mondiale et du FMI publiée en janvier 2022.
Pourquoi s’intéresser au renforcement des écosystèmes d’entrepreneuriat
Ainsi, dans son second chapitre, le rapport de la Banque mondiale s’est intéressé au renforcement des écosystèmes d’entrepreneuriat au lendemain de la pandémie de la covid-19. Selon la note, celle-ci a considérablement affecté le secteur privé, ce qui pourrait réduire sa contribution à la croissance à moyen terme. Seulement, l’après-crise est une opportunité d’accroître la productivité dans des secteurs clés. Car l’étude a avisé que mieux comprendre les écosystèmes entrepreneuriaux permettra de mieux orienter l’allocation des ressources publiques pour les soutenir.
Les entreprises ayant intensifié leur utilisation de nouvelles technologies ont connu un rebond plus rapide. Les premiers adoptants au début du choc COVID-19 ayant affiché une reprise plus rapide. Près de 32% des entreprises qui vendent sur des plateformes numériques au Sénégal ont signalé une augmentation des ventes en ligne en avril 2020. Les résultats montrent que les entreprises au Sénégal utilisent les technologies numériques de manière plus intensive, ce qui constitue un signal encourageant quant à l’accélération potentielle de la diffusion des technologies numériques.