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Leurs témoignages fendent le cœur. Certaines femmes excisées ressentent des douleurs atroces lors des rapports sexuels avec leur époux. Ce paradoxe est au cœur des divorces et poussent des hommes à convoler en secondes noces. Beaucoup de victimes n’ont pas encore transcendé le traumatisme, plusieurs décennies après l’ablation génitale féminine.

L’excision reste un sujet sensible. Malgré des campagnes pour  son abandon,  cette pratique est encore de saison, dans nos contrées. Selon l’Unicef, 25, 2 % des femmes âgées entre 15 et 49 ans ont été excisées au Sénégal en 2019.

Hier comme les victimes ne comptait plus. Aujourd’hui, certaines d’entre elles à l’image de Kadidia Sall partage de douloureux souvenirs. Elle en parle malgré le poids de la tradition encore de vigueur, à Douloumadji, un village du Fouta. Celle qui a soufflé ses 29 bougies comme beaucoup de filles ont été excisées. Le prétexte, c’est d’inhiber le désir sexuel chez les jeunes filles.  Cette séquence de sa vie est traumatisante. Kadidia Sall sereine au débit de la narration se  laisse gagner par l’émotion.  Les mots qui décrivent les maux sortent par saccade. Elle raconte son sort presque les larmes aux yeux. « Je suis excisée. D’après ma mère, je suis soumise à cette épreuve, à l’âge de deux ans. Je souffre », concède la dame.

L’enthousiasme né de son union avec un Français laisse place à la déception, aux regrets. L’union n’a duré le temps d’une rose. Elle a volé en éclats après six mois de mariage. Son époux ne pouvait pas comprendre que sa dulcinée ne ressentait presque rien durant les rapports sexuels. « Il ne pouvait pas supporter que je ne ressentais aucun plaisir lors de nos rapports. C’est pour cela qu’il a demandé le divorce. Lorsque nous faisions des rapports, je souffrais à cause de la douleur. C’est difficile à raconter. Mais c’est une triste réalité », narre Kadidia Sall.  

Son rêve s’est brisé, de même que sa vie sexuelle. Son excision lui restera de travers la gorge pour le reste de son existence. Les paroles annonciatrices de leur séparation et la scène sont des marques indélébiles que le temps n’effacera pas. « Je me suis réveillée. J’ai préparé un petit déjeuner pour mon époux. Il ne l’a pas pris. Avant d’aller au boulot, il m’invita dans sa chambre. Il me serra dans ses bras. Ensuite, il me posa une série de questions. Est-ce que tu m’aimes toujours ? J’ai répondu par oui. As-tu des soucis ? J’ai répondu par non », se souvient-elle. Une page de l’histoire vient d’être fermée. C’est fini. L’heure de la séparation a sonné. « Je suis la seule personne à faire des efforts pour te faire plaisir. En retour, je reçois des cris et des pleurs et parfois un refus catégorique. Dis-moi, as-tu quelque chose que tu me caches ? J’ai répondu non », poursuit-elle.    

La séparation dans la douleur

Après cet interrogatoire, l’époux conduit son épouse chez  un gynécologue.  Le diagnostic établi par le praticien est sans équivoque : « votre épouse a été excisée. Elle ne peut pas sentir de plaisir lors des rapports sexuels ». Ce diagnostic sonne comme une sentence. Le monde s’écroule sous les pieds de l’époux. « Il a pleuré devant le gynécologue. De retour à la maison, il m’a dit que ce serait mieux qu’on se sépare parce qu’il ne peut plus continuer de vivre avec une femme qui souffre en faisant des rapports sexuels », rapporte la dame. Elle accepte cette décision et retourne au Sénégal. Elle estime qu’elle a payé cher pour cette pratique qui a détruit sa vie. « Celle-ci est devenue un chaumard à cause de l’excision. Je suis divorcée depuis 2018, et depuis lors, j’ai peur de me remarier, de revivre la même situation », avance Kadiadia Sall qui confie : «  J’éprouve beaucoup de peine quand je pense que je suis une femme, à qui on a privé le désir, et le plaisir sexuel ».

Des années après le divorce, elle n’en veut pas à son ex-époux qui s’est remarié juste après leur séparation. Pour elle, la responsable, c’est la société qui perpétue cette pratique aux effets néfastes pour la santé. « Ce ne sont pas tous les hommes qui acceptent une femme qui ne ressent rien au lit. Dans une relation, on ne peut pas donner un plaisir sans  en recevoir », reconnaît cette victime de la mutilation génitale.  

Cette souffrance a forgé en elle une force. Kadidia brûle d’envie d’élever la voix contre la persistance de la mutilation féminine génitale. Celle-ci est encore pratiquée en cachette en débit d’une loi l’interdisant. « Cette pratique est ancrée dans mon village. Je ne souhaite pas que les autres jeunes filles, mes sœurs, subissent le même sort. S’il y a des structures ou des associations qui portent déjà ce combat, je suis prête à m’engager», dit la dame. Pour cette dernière, seules les victimes peuvent mener le combat avec détermination pour éradiquer ce fléau.

Le secret d’Aïssatou Baldé

Contrairement à Kadidia, Aïssatou Baldé, âgée de 30 ans, a plus de chance. Aïssatou n’a pas été abandonnée par son mari qui est médecin officiant dans un hôpital de Dakar. Cette native de Saré Bindji a ses astuces pour ressentir le plaisir. Pourtant, elle avait aussi souffert au début de son union. Ce qui devait être une sensation de plaisir se transforme en supplice. « Au début, je ne ressentais pas de plaisir. Pire, j’avais mal lorsque j’entretenais des rapports avec mon mari. Je criais fort alors lui éprouvait un énorme plaisir. Mais mes cris le dérangeaient », se remémore-t-elle. Aïssatou a fini par s’ouvrir à son époux. Ce dernier essaie depuis lors de l’épargner autant que possible de cette souffrance. Ensuite, elle se confie à une de ses amies. C’est cette dernière qui lui donne le secret. « Elle me conseille de faire recours à des stratégies qui pourront m’aider à trouver du plaisir, avant que je ne perde mon mari. Chose que j’ai faite. Depuis lors, les choses se sont améliorées. Je ne ressens pas de douleurs comme avant. Mais, j’avoue que sans ces stratégies, ma vie serait compliquée », se réjouit Aïssatou. Cette mère de deux enfants remercie le ciel et aussi son amie. Sans les conseils de cette dernière, elle aurait pu perdre son époux. « Grâce à ces stratégies, je garde mon mari auprès de moi, et j’ai mes deux enfants. Je pense que je suis condamnée à utiliser ces stratégies à vie pour maintenir la stabilité au sein de mon foyer. Je n’ai pas le choix. C’est mon seul recours », estime-t-il.  

Elle a une pensée pour ces femmes qui ont des contrats à vie avec des maris incompréhensibles. « Lorsque l’épouse  hésite à faire l’amour par peur de la douleur, l’époux peut être tenté de penser qu’il n’est pas aimé. Cet état de fait peut conduire au divorce », a fait savoir Aïssatou. Elle lance un appel pour l’éradication de cette pratique qui persiste dans des zones reculées de la région de Kolda. « Nos parents pensent qu’une fille qui n’est pas excisée va s’adonner au libertinage. Certains avancent même que l’excision est recommandée par la religion », partage cette victime de l’excision.

L’excision, une des causes de la polygamie

L’excision est une cause directe de la polygamie dans certaines zones. Des hommes convolent en secondes noces lorsque la première épouse excisée n’apporte pas du répondant au lit. C’est le cas de Ramatoulaye Bâ, originaire d’un village du Fouta. Elle a vu son époux prendre une seconde épouse pour combler ses désirs après 6 ans de mariage soldés par trois enfants. « Je ne soutiendrai jamais l’excision car je suis une femme privée de plaisir sexuel. Quand j’entretiens des relations sexuelles avec mon mari, la douleur que je ressens est atroce. Mon mari fait beaucoup d’efforts pour me rendre heureuse. En retour, rien ne me plait de ce qu’il fait. Je n’y peux rien, mais c’est injuste », tranche Ramatoulaye Bâ. Elle s’estime heureuse malgré tout. D’autant plus que l’excision est à l’origine de plusieurs divorces« Lorsqu’il a décidé de prendre une seconde épouse, je ne me suis pas opposée. J’ai compris qu’il le fallait pour lui. Il pouvait bien m’abandonner et chercher une autre femme, mais il ne l’a pas fait. Il continue de s’occuper de moi. C’est à cause de l’excision que j’ai une coépouse. C’est mon mari qui l’a avoué », affirmé la victime de l’excision. Elle invite les parents à épargner leurs filles d’une telle souffrance pour le reste de leur vie.

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